LA MÈRE
Pardon. J’aimerai te demander pardon. Tu n’es jamais revenue. Je ne suis plus ta mère. Une autre m’a remplacée dans ton cœur, dans ta vie. Je t’ai abandonné. Mon cœur arraché, tu es parti avec. Tu ne me le rendras jamais.
Non. Voilà ce que j’aurais dû dire. Non. Trois petites lettres qui ne sont pas sortis de ma bouche. Alors j’ai hoché la tête en tremblant. Et ils t’ont emmené.
Tes pleurs, tes pleurs saignent encore mon coeur.
Raconte-moi ta vie là-bas. Est-ce que tu es devenue médecin ? Professeure ? Est-ce que tu as un beau mari, des enfants ? Est-ce que tu penses encore à moi ? Parfois… Quel goût à la neige?
Est-ce que tu te rappelles d’où tu viens ? Tes racines.
J’attends la mort en imaginant ton visage. Tes grands yeux marrons, ton sourire d’enfant, tes pommettes. Femme, je n’arrive pas à t’imaginer en femme. Tu restes ma petite, mon bébé. Celle que je n’ai pas su protéger.
Je ne veux pas entendre. Je ne veux pas entendre ceux qui racontent l’horreur. Je ne veux pas y croire. Tu n’a pas pu vivre ça. Je ne t’ai pas fait vivre ça. Tu es parti pour étudier, pour vivre dans une vraie famille, capable de te donner une vraie éducation et de l’amour, pas pour, non, pas pour, servir de domestique ou quoi ? À ses riches. Non il ne t’ont pas arraché pour ça. Ils n’ont pas menti la dessus. Dis-moi qu’ils n’ont pas menti là-dessus.
Tu n’es jamais revenu, ils ont menti. Tu n’es jamais revenu, ton frère non plus.
Je veux te dire la couleur du ciel, je veux te dire, le bruit de l’océan, je veux te dire, la musique qui bat au ruthme de mon coeur. Je veux te dire tout ça, bien plus : peut être que tu reviendras.
Ne me laisse pas mourir sans ton visage. Ne me laisse pas me noyer dans mes larmes.
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