Tu l’as déjà entendu toi aussi, ce conseil : il faut écrire en pensant au lecteur.
Oui, mais…
Oui, mais, penser au lecteur ne veut pas dire se censurer.
Oui, mais, ça ne veut pas dire non plus chercher à lui plaire au détriment de ce qui nous plaît à NOUS ! Au détriment de nos désirs profonds.
À l’heure d’internet, de l’instantané, d’Instagram, à l’heure des best-sellers, l’écriture devient parfois une esclave qu’on essaie de tordre pour la faire entrer dans une case. La case du plaisir de l’autre, la case de la Réussite.
On menace les mots, on essaie de les plier à notre volonté, on essaie de les aligner en une phrase harmonieuse ou dissonante ou dérangeante. Créer de l’émotion, surtout créer de l’émotion. C’est à ça que doit servir la littérature, non ?
Il y a, dans le fait de montrer son travail aux autres, une forme de pression silencieuse. C’est là, cette interrogation du regard, qu’est-ce que l’autre va en penser ? Ce regard qu’on cherche autant que l’on redoute, cet avis sur son texte qui tombe et nous arrache un sourire ou un pincement au cœur.
Il faut, je crois, parvenir à dissocier son texte de soi. Oui on a donné forme au néant, oui on a posé des traces sur la feuille, mais ce texte, là, devant moi, ce n’est pas moi. Il y a des fragments, des éclats de moi entre les lignes, mais ce texte, ce n’est pas moi.
C’est presque une question de survie.
Si on l’oublie, à quoi s’expose-t-on ?
Au désir de plaire à l’autre, de séduire par des mots, au point de se perdre. Oui, on peut devenir excellent(e) dans le maniement des mots, mais si ces mots nous deviennent étrangers, à quoi bon ?
À bientôt, peut-être
Élodie
Photo by Tadeusz Lakota on Unsplash
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